La stratégie bas carbone s’exprime principalement au travers des actions susceptibles de réduire l’impact sur le changement climatique. Pour cela, il s’agit d’utiliser des méthodes qui se rapprochent de la pratique.
L’entreprise travaille avec les matières premières, des énergies pour réaliser ses produits et les vendre. Elle connaît les flux, les résultats qu’elle doit obtenir.
Dans le flux de réalisation d’un produit ou d’un service, l’entreprise comme la collectivité territoriale manie des quantités (tonnes ou m3), des consommations nécessaires en kWh ou en m3 selon les fluides utilisés, des kilomètres à parcourir, du temps à affecter. Autant d’unités éparses, lesquelles représentent une réalité de la vie de l’entreprise et de la collectivité et se traduisent, comme nous le verrons par la suite, en unité monétaire.
À l’instar de la monnaie, les normes et les protocoles internationaux comme le Greenhouse Gas Protocol (GHG Protocol) ont appris aux entreprises et, dans une moindre mesure, aux collectivités locales à compter carbone, à parler carbone.
Mais de quoi s’agit-il ? La réponse est apportée par les normes ISO 14064 élaborées dès le début des années 2000, lesquelles sont légitimes pour fournir des éléments techniques et scientifiques.
C’est quoi Scopes 1, 2 et 3 ?
Les émissions de gaz à effet de serre ( cause du réchauffement climatique )doivent être collectées et regroupées par sous-ensembles cohérents.
Nous sommes dans une approche comptable des données, ce qui signifie que nous disposons d’éléments de base résultant de mesures ou de calculs, les valeurs sont regroupées dans des sous-ensembles compatibles.
Pour faire de tels regroupements, il est nécessaire de définir des conventions de calcul. Parmi les conventions de regroupement, pour différencier les éléments, il faut identifier des émissions de différentes natures SCOPE :
émission directe de GES – Scope1
sources de gaz à effet de serre, fixes et mobiles, contrôlées par la personne morale.
une entreprise dispose d’une chaudière ou un groupe électrogène, utilisant du gaz naturel, celle-ci émet des gaz à effet de serre, qui résulte de la quantité consommée et l’énergie produite. Ces éléments sont calculés dans le SCOPE 1 ;
émission indirecte de GES associée à l’énergie : émission de GES provenant de la production de l’électricité, de la chaleur ou de la vapeur importée et consommée par la personne morale pour ses activités. L’entreprise achète de l’électricité ou de la vapeur à un prestataire avec lequel elle n’est pas en relation de capital. Les modalités de production, de transport et de fourniture de cette électricité, de cette vapeur ou de cette chaleur, introduite dans le processus au sens large, y compris les locaux tertiaires, sont calculées dans le SCOPE 2 ;
autre émission indirecte de GES : émission de GES, autre que les émissions indirectes de GES associées à l’énergie, qui est une conséquence des activités d’une personne morale, mais qui provient de sources de gaz à effet de serre contrôlées par d’autres entités. L’entreprise dispose d’un personnel qui se déplace sur son lieu de travail, de commerciaux, qui sillonnent les routes pour son compte, elle se fait livrer du papier pour ses imprimantes, tout ceci doit être calculé, mesuré et incrémenté dans le SCOPE 3.
Toutefois, il s’agit de préciser que si le personnel utilise les véhicules de l’entreprise, la comptabilisation se réalise dans le SCOPE 1 (dans les émissions directes). Seul est pris en compte dans le SCOPE 3, le déplacement avec le véhicule personnel notamment dans les trajets domicile-travail.
Les différents postes d’émissions sont décrits dans le cadre de l’ISO/TR 14069:2013 Gaz à effet de serre – Quantification et rapport des émissions de gaz à effet de serre(cause du réchauffement climatique ) pour les organisations – Directives d’application de l’ISO 14064-1 et repris dans la méthode réglementaire.
Il est à noter que l’ISO 14064:2018 Partie 1 ne distingue plus les émissions indirectes associées à l’énergie et les « autres » émissions indirectes. Selon la deuxième édition de la norme, les émissions indirectes comprennent toutes les émissions, sauf celles considérées comme directes.
Pour être complet, cette répartition se fait selon les principes suivants, lesquelles recoupent les modalités de comptabilisation groupe. L’organisation a le choix
entre les techniques suivantes :
- l’approche « part du capital » : l’organisation consolide les émissions des biens et activités à hauteur de sa prise de participation dans ces derniers.
Cette approche est une notion de consolidation financière en fonction de la part de capital détenu ; - l’approche « contrôle » :
1 – financier : l’organisation consolide 100 % des émissions des installations pour lesquelles elle exerce un contrôle financier, y compris lorsque le contrôle n’est qu’indirect ou partiel,
2 – ou opérationnel : l’organisation consolide 100 % des émissions des installations pour lesquelles elle exerce un contrôle opérationnel (c’està-dire qu’elle exploite) et en assure le management.
Si l’organisation détient et exploite la totalité de ses biens et activités, alors le périmètre organisationnel est le même, que l’approche soit faite par le contrôle financier ou opérationnel.
L’entreprise choisit la technique la plus appropriée à ses modalités de contrôle.
Les informations nécessaires pour les SCOPES 1, 2 et 3
La littérature normative est très fournie en la matière, notamment la norme ISO/TR 14069:2013 laquelle fait référence en la matière. Pour clarifier les différents périmètres, la pratique puis la norme ont donné un cadre précis aux SCOPES1, 2 et 3 Rappelons les périmètres des SCOPES :
Le SCOPE 1
Le SCOPE 1 couvre les émissions directes venant de l’organisation, qu’il s’agisse de son périmètre organisationnel ou financier. Pour les sites pour lesquels l’organisation ne dispose que d’une part du capital, c’est cette part qui est prise en compte ;
Le SCOPE 2
Le SCOPE 2 couvre les émissions indirectes associées à l’énergie : la production et le transport des énergies (électricité et autres) ;
Le SCOPE 3
Le SCOPE 3 couvre les émissions qui résultent des autres activités de l’entreprise, liées à la chaîne de valeur, les autres émissions énergétiques non comprises dans le SCOPE 1 et le SCOPE 2, par exemple.
Les notions de périmètre opérationnel, de sources, de puits et de période de référence
Nous avons clarifié les notions de comptabilisation et de SCOPE ainsi que du sujet de la comptabilisation dans la partie ci-dessus. Nous devons préciser les notions de :
- périmètre opérationnel ;
- sources ;
- puits ;
- année de référence.
La notion de périmètre opérationnel
La notion de périmètre opérationnel est fortement liée aux modes d’organisation.
L’ISO 14064-1:2018 fournit une définition fortement extensive.
ISO 14064-1:2018
3.4.1 Installation
Installation unique, groupe d’installations ou de processus de production (fixes ou mobiles), pouvant être définis à l’intérieur d’un périmètre géographique, d’une unité organisationnelle ou d’un processus de production unique.
3.4.2 Organisation
Personne ou groupe de personnes ayant un rôle avec les responsabilités, l’autorité et les relations lui permettant d’atteindre ses objectifs.
Note 1 à l’article : le concept d’organisation englobe, de façon non exhaustive, les travailleurs indépendants, les compagnies, les sociétés, les firmes, les entreprises, les administrations, les partenariats, les associations, les organisations caritatives ou les institutions, ou bien une partie ou une combinaison des entités précédentes, à responsabilité limitée ou ayant un autre statut, de droit public ou privé
La stratégie bas carbone doit être établie sur le périmètre :
- de responsabilité en termes de gestion. Pour disposer d’un personnel 24 heures sur 24 heures, un hôpital doit disposer d’un lieu de vie pour le personnel adapté à cette situation ;
- d’actions, la délégation à un prestataire, délégataire de services publics ou non, ne retire pas la responsabilité, les gaz à effet de serre émis pour permettre l’activité de l’organisation.
La définition de l’ISO 14064-1:2018 précise qu’il s’agit bien d’une notion de responsabilité environnementale et de gestion au travers des données justifiant les GES.
Différentes formes peuvent être données à la définition d’un périmètre d’organisation, selon les modes d’organisation.
ISO 14064-1:2018
3.4.3 Partie responsable
Personne(s) responsable(s) de la délivrance de la déclaration relative aux gaz à effet de serre (3.2.5) et des informations justificatives sur les gaz à effet de serre.
Note 1 à l’article : la partie responsable peut être constituée de personnes ou de représentants d’une organisation (3.4.2) ou d’un projet, et peut être la partie qui engage le validateur ou le vérificateur
Les notions de sources et de puits
Une entreprise, surtout dans le contexte d’une éventuelle taxe carbone, essaiera de limiter sa responsabilité sur les sources des émissions des gaz à effet de serre.
Les définitions de l’ISO 14064-1:2018 sont les suivantes :
ISO 14064-1:2018
3.1.2 Source de gaz à effet de serre Source de GES : processus rejetant un gaz à effet de serre (3.1.1) dans l’atmosphère.
3.1.3 Puits de gaz à effet de serre Puits de GES : processus retirant un gaz à effet de serre (3.1.1) présent dans l’atmosphère.
3.1.4 Réservoir de gaz à effet de serre Réservoir de GES : composant, autre que l’atmosphère, capable d’accumuler, de stocker et de libérer des gaz à effet de serre (3.1.1).
Note 1 à l’article : les océans, les sols et les forêts sont des exemples de composants qui peuvent faire office de réservoirs.
Note 2 à l’article : le captage et le stockage des GES sont deux des processus qui conduisent à un réservoir de GES.
La notion de source
Les définitions ci-avant précisent qu’il peut s’agir de l’unité physique des sources. Ceux-ci se divisent en trois catégories : émissions dues à la combustion des carburants ; émissions dues aux changements chimiques survenus dans un processus (par exemple, l’émission de CO2 dans la fabrication de bouteilles en verre, ou du ciment) ; et les émissions fugitives (fuites de réfrigérants, fuites de SF6, etc.).
Ces émissions relèvent des émissions directes.
La notion de puits et de réservoirs de carbone
La notion de puits de carbone a été longtemps contestée, non dans son principe physique, la photosynthèse en est le meilleur attribut, mais dans son évaluation en termes d’impact environnemental, voire de stock de référence pour l’analyse de cycle de vie.
Sous l’influence des lobbys forestiers, la neutralité du bois quant à ses émissions de CO2 est passée dans les textes, mais il faut rester très prudent quant aux effets réels de leur substitution aux carburants fossiles. Les conditions idéales
des puits de carbone doivent, pour les forêts, s’appuyer sur des arbres en croissance, dans un milieu bien géré afin d’éviter les résidus, émetteurs de méthane, lesquels pourraient annuler les bénéfices du puits de carbone.
Les différents textes internationaux retiennent la notion de puits lorsque l’usage de la biomasse se réalise dans le cadre d’un projet géré.
Exemple : calcul du bois introduit dans un bâtiment dans la mesure où ce bois est géré durablement (FSC ou PEFC (FSC (Forest Stewardship Council) ou PEFC (Pan European Forest Certification Council), système de certification de la gestion durable de la forêt.)).
De la même façon, la capture du CO2 d’une centrale à charbon, créé en lieu et place d’une autre source d’énergie renouvelable transfère le CO2 dans un réservoir présumé étanche, mais sujet aux fuites. Le coût des installations de ce
type ne les rend pas rentable et l’expérience de leur efficacité environnementale reste très limitée. Les réservoirs de gaz naturel sont d’usage courant dans l’industrie d’approvisionnement de cette forme d’énergie.
L’année de référence
ISO 14064-1:2018
3.2.10 Année de référence Période historique spécifique identifiée pour comparer les émissions (3.1.5) ou les suppressions de gaz à effet de serre (3.1.6) ou d’autres informations relatives aux gaz à effet de serre au cours du temps.
L’année de référence semble être une notion simple, toutefois, il ne faut pas oublier que l’augmentation des gaz à effet de serre se réalise par rapport à :
- l’année théorique de référence préindustrielle 1750 ;
- la période de référence 1850-1900 ;
- 1990, niveau choisi dans le cadre du protocole de Kyoto.
Pour une entreprise, le choix de la date de référence dépend de nombreux
facteurs :
- de l’existence ou non de statistiques supérieures à deux ans sur les différentes activités ;
- de l’homogénéité des données : le service maintenance ou logistique suit les données en litres, m3 ou kg, la production en kWh, en m3 de vapeur ;
- de la culture des relevés de l’entreprise et leur usage dans le processus ;
- de la mise en place d’un relevé exhaustif des différentes sources.
L’année de référence d’une entreprise devra être choisie avec soin selon les paramètres ci-avant. Afin d’être consensuelle, la norme prévoit les possibilités suivantes :
- une année de référence ;
- une moyenne pluriannuelle.
Jean Hetzel & John Shideler Edition AFNOR